Publication diffamatoire et présomption d'innocence : rappels jurisprudentiels

Publication diffamatoire et présomption d'innocence : rappels jurisprudentiels

Publié le : 06/04/2022 06 avril avr. 04 2022

« Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.
»

L’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 fut la première disposition à consacrer ce principe central dans le droit français qu’est la présomption d’innocence, parfois en conflit avec d’autres droits. Ainsi, se pose régulièrement devant les juges, la question de différencier propos diffamatoires et atteinte au droit à la présomption d’innocence. 

Au début de l’été 2019, un journaliste et critique de théâtre publie sur internet, un article dans lequel il relate des agressions sexuelles qu’aurait commises un metteur en scène en 2011. Les faits décrits dans l’article ont fait l’objet d’une plainte pour viol de la part d’une jeune femme. 

Dans son article, le critique précise que le metteur en scène visé par les faits a été placé en garde à vue consécutivement à la plainte pour viol, mais que cette plainte a été classée sans suite. 
Estimant que la publication portait atteinte à sa présomption d’innocence, et désireux d’obtenir une rapide suppression de l’article à charge, le dramaturge a alors saisi le Juge des référés. Le demandeur joint à sa demande de suppression, une demande en publication d’un communiqué d’excuse de l’auteur de l’article, en plus de requérir la réparation du préjudice moral subit. 

Débouté par le Juge des référés puis par la juridiction d’appel compétente, le metteur en scène forme un pourvoi en cassation.

Dans l’optique de comprendre l’arrêt rendu par la Cour de cassation, il convient de s’arrêter sur la définition de la présomption d’innocence que le juge rappelle. Ce principe énonce que lorsqu’un justiciable est accusé dans le cadre d’une procédure pénale, d’une infraction ou d’un crime, l’accusé ne peut être présenté comme coupable publiquement, sans que la procédure soit terminée. 

Dans cette affaire, c’est justement la nécessité que soit initiée une procédure pénale afin que soit qualifiée une atteinte à la présomption d’innocence, qui fait basculer le juge. 
En effet, à la date de publication de l’article au cœur du litige, il n’existait alors aucune procédure pénale dirigée contre le metteur en scène. 
Ainsi, et une fois le constat établi que la procédure pénale était inexistante avant la publication de cet article, la Cour de cassation, pour rejeter le pourvoi, a confirmé que la juridiction d’appel avait de bon droit écarté l’existence d’une atteinte à la présomption d’innocence. 

En réalité, cette décision laisse entendre que le demandeur, dans la mesure où la procédure pénale dont il faisait l’objet était close au moment de la parution de l’article, aurait dû introduire une action en diffamation, et non en atteinte à la présomption d’innocence. 

En outre, la Cour de cassation profite de cet arrêt pour rappeler qu’en matière de diffamation, et davantage depuis l’explosion d’internet, il est absolument nécessaire d’agir au plus vite, et réaffirme ainsi la pertinence des procédures d’urgences en la matière.  
Précisions pour parfaire notre analyse, que le délai de prescription en matière d’action en diffamation est de trois mois, la victime doit donc agir rapidement si elle souhaite obtenir réparation pour diffamation. 


Me Sophie FERRY

Référence de l’arrêt : Cass. civ 1ère, 16 février 2022 n°21-10.211

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