La résiliation unilatérale du contrat de franchise sans respect du formalisme lié à la prévenance ou de la clause résolutoire, est justifiée en cas de comportement grave
Publié le :
19/09/2019
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Le contrat de franchise a pour spécificité de comporter un terme extinctif, et doit par principe être exécuté jusqu’à son échéance. De ce postulat, il paraît compliqué pour les parties d’y mettre un terme de manière anticipée en cours d’exécution, sauf situations particulières ou en respectant un formalisme imposé.
La Cour de cassation a récemment rappelé qu’en fonction de la gravité du comportement d’un cocontractant, l’autre partie a la faculté de résilier unilatéralement le contrat en étant dispensée de tout formalisme et prévenance.
Les protagonistes de l’affaire concernée sont un franchiseur et un franchisé, liés par un contrat de franchise dans le secteur d’activité de l’optique, pour une durée de cinq ans.
Avant l’arrivée du terme du contrat le franchiseur le résilie aux torts exclusifs du franchisé, et assigne celui-ci pour réparation du préjudice résultant de la rupture anticipée. Le cocontractant forme alors des demandes reconventionnelles pour réparation du même dommage, mais est débouté en seconde instance et condamné au versement d’indemnités pour réparation du préjudice économique.
Sans contester le motif grave qui lui est reproché par la défense, pour justifier son pourvoi, le franchisé invoque la violation de l’obligation de prévenance pesant sur le franchiseur, notamment par le fait que même si un comportement grave était caractérisé, le franchiseur avait le devoir de lui adresser une mise en demeure le sollicitant de satisfaire son engagement ou de remédier à l’inexécution de ses obligations. A défaut, il lui incombait de caractériser une situation d’urgence.
D’autre part, le demandeur appuie ses demandes sur la présence d’une clause résolutoire prévue par le contrat de franchise, non mis en œuvre par le franchiseur qui aurait dû respecter le formalisme particulier stipulé dans cette clause.
Cependant, la chambre commerciale suit l’avis de la Cour d’appel en rejetant le pourvoi, et précise que la gravité du comportement d’une partie à un contrat peut justifier la résiliation unilatérale à ses risques et périls, sans être tenue de mettre préalablement en demeure la partie fautive de respecter ses obligations, ni de justifier d’une situation d’urgence, ni de respecter la mise en jeu de la procédure attachée à une clause résolutoire.
Pour la Haute Juridiction, la faculté de résilier un contrat de manière unilatérale est donc à analyser au regard du comportement fautif du co-contractant, dès qu’il s’agit d’un manquement grave tel que défini par la jurisprudence.
En effet, à plusieurs reprises les juges ont apprécié le manquement grave d’un cocontractant justifiant la rupture unilatérale pour, par exemple, la non-conformité sanitaire de produits alimentaires distribués, les plaintes de clients sur une mauvaise qualité des prestations, l’absence de maintenance et de résolution des dysfonctionnements pour des prestations web ou en encore, les manquements répétés et les négligences dans la réalisation d’un ouvrage (civ 1ère 24 septembre 2009 n°08-14.524 ; com. 20 octobre 2015 n°14-20.416 ; com. 6 décembre 2016 n°15-12.981 ; 3ème civ. 8 février 2018 n°16-24.641).
Dans le cas étudié, la résiliation est fondée sur le fait que le franchisé faisait preuve d’agissements gravement illicites et illégaux, et ce malgré les avertissements du franchiseur, constitués par des pratiques visant à obtenir des remboursements indus de la part de mutuelles complémentaires, en utilisant des procédés tels que des factures modifiées ou l’utilisation d’une ordonnance unique et non nominative pour plusieurs dossiers.
Le franchiseur justifie le caractère grave du comportement de son cocontractant du fait d’un risque de perte d’accords avec les mutuelles, en plus de celui de poursuites pour concurrence déloyale.
Il est d’autant plus possible en l’espèce d’apprécier plus facilement le degré de gravité du comportement reproché au demandeur, du fait de la nature du contrat de franchise à la lumière de l’obligation de défense de l’image du réseau qui pèse sur le franchiseur. En effet de tels agissements, en plus du risque économique, ont une véritable répercussion négative sur l’ensemble du réseau, pouvant porter préjudice, non seulement au franchiseur mais aux autres franchisés réunis sous la même enseigne.
Référence de l’arrêt : Cass. com 9 juillet 2019 n°18-14.029
Marion Glorieux, Legal Content Manager - AZKO
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