Agression sexuelle sur mineur : précision jurisprudentielle quant au point de départ du délai de prescription
Publié le :
04/10/2022
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L’article 2226 du Code civil dispose qu’en matière de préjudice corporel, le délai de prescription court à compter de la date de consolidation de l’état de la victime, c’est-à-dire à compter du jour où les lésions résultant du dommage sont permanentes et ne sont plus susceptibles d’évolution.
La fixation de cet événement est relativement simple concernant les lésions physiques, mais s’avère plus complexe dès lors qu’il est question de dommages psychologiques, notamment ceux qui découlent d’une agression physique.
Début juillet, la Cour de cassation a justement été interrogée sur le point de départ du délai de prescription pour une agression sexuelle, et de la prise en compte de l’état de consolidation des blessures psychiques de la victime.
Dans cette affaire, un membre de la direction d’un établissement d’enseignement scolaire et une Association diocésaine sont assignés quarante-sept ans après les faits, en responsabilité et indemnisation de préjudices consécutifs à des viols et agressions sexuelles subis par un collégien de l’époque, faits dénoncés par la victime dès 2001.
Les demandes de la victime sont rejetées tant devant le Tribunal qu’en appel, au motif que les faits sont prescrits.
Devant la Cour de cassation, la victime reproche aux juridictions précédentes d’avoir retenu comme point de départ de la période de prescription de 10 ans, l’année 1989, date à laquelle il a entamé une thérapie, sans avoir recherché si son état était consolidé à cette date.
La Cour de cassation fait alors droit à sa demande, et l’intérêt de cette décision est double.
D’une part, le Tribunal de première instance, la Cour d’appel et la Cour de cassation sont unanimes sur un point : le dommage psychologique engendré par l’agression sexuelle constitue un dommage corporel soumis au délai de prescription de 10 ans, comme prévu à l’article 2226 du Code civil.
Mais leurs avis divergent quant au point de départ du délai de prescription. La Haute juridiction tranche en faveur de la date de consolidation des lésions résultant du préjudice, et non la date où la victime a entamé une psychothérapie comme a pu le retenir la juridiction d’appel, à qui il est reproché de ne pas avoir recherché si le dommage avait fait l'objet d'une consolidation et, le cas échéant, quelle était la date de cette consolidation.
En fixant comme point de départ du délai de prescription celui de la date de consolidation des lésions résultant de l’agression sexuelle, la Cour de cassation offre une réparation adéquate aux victimes de ce type de préjudice, en admettant qu’au-delà du dommage initial, souvent physique, une prise de conscience est parfois longue, et les séquelles psychologiques peuvent perdurer, voire s’aggraver.
Il paraît donc évident que le point de départ de la prescription, compte tenu de la nature du préjudice, ne démarre qu’à compter du jour où la victime connaît un état stable qui ne peut plus être amélioré ou aggravé, de sorte qu’elle ait pleinement conscience de l’ampleur du dommage.
Me Linda PIPERI
Référence de l’arrêt : Cass. civ 2ème 7 juillet 2022 n°20-19.147
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