L’abus de biens sociaux par le chef d’entreprise
Publié le :
01/02/2022
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2022
L’abus de biens sociaux est une infraction spécialement prévue par le Code du commerce, visant à sanctionner le chef d’entreprise qui détourne intentionnellement le patrimoine social dans un but personnel.
Ce délit peut être qualifié en crime selon la gravité des faits, et il est constitué si quatre éléments sont réunis :
- Un acte d’usage des biens sociaux : ce critère est apprécié largement par les juges, puisqu’il peut résulter de la simple utilisation d’un bien de l’entreprise, sans qu’il y ait nécessairement une appropriation. Par exemple : l’utilisation d’un véhicule d’entreprise pour partir en vacances, l’occupation d’un logement à titre gratuit, l’emprunt d’une somme excessive issue de la trésorerie pour s’acheter des costumes…
- Un acte contraire aux intérêts de l’entreprise, c’est-à-dire quand l’usage des biens, ou du crédit de la société, peut exposer celle-ci à un risque de perte, à des poursuites judiciaires, voire un objectif illicite comme corrompre un agent public avec l’argent de la trésorerie.
- Un acte effectué à des fins personnelles : le chef d’entreprise réalise des manœuvres afin d’obtenir un avantage matériel (exemple : cadeaux payés avec le compte courant de l’entreprise) ou moral (augmenter son prestige, bénéficier des relations professionnelles de l’entreprise, etc.). Cela peut être aussi le fait de favoriser une autre société dans laquelle il détient des intérêts directs ou indirects (exemple : transmettre des informations confidentielles à une société tierce dont il détient des titres sociaux).
- Un acte commis de mauvaise foi : l’auteur de l’abus de biens sociaux agit délibérément, en ayant conscience que son acte est contraire aux intérêts de l’entreprise.
Le champ d’application de cette infraction demeure néanmoins réduit.
En effet, les articles L.241-3 4° et L.242-6 3° du Code du commerce visent uniquement les dirigeants d’une société à responsabilité limitée (SARL), ainsi que le président, les administrateurs ou les directeurs généraux d’une société anonyme (SA). Ainsi, le délit d’abus de biens sociaux ne peut pas être constitué pour d’autres structures sociales telles que les associations, les sociétés civiles, les groupements agricoles…
En revanche, la sanction reste identique pour les deux textes précités, avec une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende. La sanction est toutefois portée à sept ans d'emprisonnement et de 500 000 euros d'amende « lorsqu'elle a été réalisée, ou facilitée, au moyen soit de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d'organismes établis à l'étranger, soit de l'interposition de personnes physiques ou morales […] établies à l'étranger ».
En outre, des peines complémentaires peuvent également être prononcées comme l’interdiction d’exercer dans une activité professionnelle en lien avec l’entreprise lésée, l’interdiction de diriger une autre société…
Concernant le recours en justice contre l’auteur de l’abus de biens sociaux, ceux sont les autres dirigeants qui peuvent l’exercer en réalisant une action dite « ut singuli », c’est-à-dire qu’un ou plusieurs associés agissent au nom de la société afin de réparer son préjudice. En cas de condamnation, cette action prévue à l’article 1843-5 du Code civil permet d’indemniser l’entreprise par l’allocation de dommages et intérêts.
Cette action est néanmoins prescrite soit par trois ans, soit par dix ans si le fait est qualifié de crime.
Le délai court à compter de l’existence du fait dommageable, ou de sa révélation s’il a été dissimulé par son auteur.
Enfin, l’État peut poursuivre les chefs d’entreprise commettant cette infraction, l’action publique étant prescrite par six ans pour les délits, et 10 ans pour les crimes. Le délai court à compter du jour où l’infraction est commise, ou de sa révélation si le fait litigieux a été dissimulé.
ARCANE JURIS
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