La communication de bulletins de paie d'autres salariés par l’employeur à un salarié peut être justifiée compte tenu de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes
Publié le :
05/05/2023
05
mai
mai
05
2023
L’égalité de traitement entre les hommes et les femmes au travail, figure parmi les obligations qui pèsent sur l’entreprise, tenue, depuis le 1er mars 2020, de communiquer publiquement et de manière annuelle, le résultat obtenu concernant l’index de l’égalité professionnelle de l’entreprise, lequel fait notamment état de l’écart de rémunération entre les sexes.
Dans la pratique, un salarié qui estime subir une différence de traitement doit apporter la preuve matérielle de celle-ci.
Toutefois, en ce qui concerne la rémunération, l’apport de preuve suppose qu’il puisse comparer de manière factuelle, la sienne, avec celle de ses collègues. Or, ces informations sont en possession de l’employeur, lequel peut être tenté, comme dans l’affaire présentée, de lui opposer le droit à la protection des données personnelles, ainsi que le respect de la vie privée des autres salariés.
En effet, dans une affaire portée devant la Cour de cassation le 8 mars dernier, une salariée estimait être victime d’une inégalité salariale par rapport à certains collègues masculins occupant ou ayant occupé le même poste qu’elle. La salariée a donc saisi la formation de référé de la juridiction prud’homale, pour obtenir la communication d’éléments de comparaison détenus par ses deux employeurs successifs.
L’affaire, portée devant la Cour d’appel, ordonne aux deux employeurs de communiquer sous astreinte à la salariée les bulletins de paie de huit salariés, pour une période déterminée, en précisant que ces bulletins doivent faire l’objet d’une occultation des données personnelles, à l’exception des noms et prénoms, de la classification conventionnelle, de la rémunération mensuelle détaillée et de la rémunération brute totale cumulée par année civile.
En désaccord avec cette décision, les deux sociétés se pourvoient en cassation et opposent deux arguments concernant la communication des bulletins de salaire d’autres salariés.
D’une part, celle-ci serait contraire au principe de la protection des données consacré par le règlement général sur la protection des données, connu aussi sous son acronyme RGPD, puisqu’elle aurait pour effet la divulgation à un tiers de l’ensemble des rémunérations des salariés, dans un but très différent de la finalité légale pour laquelle les ressources humaines les avaient collectées, sans que ces salariés n’aient pu s’y attendre, et sans que le juge n’édicte aucune garantie de sécurité, de confidentialité et de limitation de la durée de conservation.
Par ailleurs, le droit à la preuve ne peut selon eux justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée, sauf à ce qu’elle soit indispensable à l’exercice de ce droit, et que l’atteinte à la vie privée des salariés concernés soit proportionnée au but poursuivi.
La Cour de cassation ne fait pour autant pas droit à la demande des employeurs, qui sans méconnaître les principes de protection des données personnelles et de respect du droit à la vie privée, estime que la transmission de bulletin de salaire d’autres salariés, pour mettre en évidence une disparité de traitement, est légale lorsque cette « communication d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’autres salariés était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l’intérêt légitime de la salariée à l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail ».
En somme, le droit à la preuve peut donc prévaloir sur des principes fondamentaux comme la protection de la vie privée et des données personnelles, sous réserve d'un contrôle par le juge. La défense de l’intérêt légitime d'un salarié concernant l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail s’avère proportionnée à l’atteinte de ces droits.
NOVEOS Avocats Associés
Référence de l’arrêt : Cass. soc du 8 mars 2023, n°21-12.492
Historique
-
PÉNAL – Création du SIROCCO pour le suivi des procédures de criminalité organisée
Publié le : 05/05/2023 05 mai mai 05 2023Veille JuridiqueDécret n° 2023-309 du 25 avril 2023
Le décret n° 2023-309, du 25 avril 2023, portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Système Informatisé de Recoupement, d’Orientation et de Coordination des procédures de Criminalité Organisée » (SIROCCO), a été publié au Journal officiel du 27 avril 2023... -
PROCÉDURES COLLECTIVES – Clôture de la liquidation judiciaire et reprise de l’action en garantie du coobligé
Publié le : 05/05/2023 05 mai mai 05 2023Veille JuridiqueCass. com du 19 avril 2023, n°21-19.563
Un couple, marié sous le régime de la communauté, a acquis un fonds de commerce à l’aide de deux prêts consentis par une banque. En 2013, le divorce du couple a été prononcé et un acte authentique de partage de communauté a attribué la propriété du fonds de commerce à Monsieur, à charge pour lui de rembourser les prêts ainsi que le passif grevant le fonds de commerce... -
RESPONSABILITÉ – Indemnisation des victimes d’infractions : les dommages matériels sont-ils réparables ?
Publié le : 05/05/2023 05 mai mai 05 2023Veille JuridiqueCass. civ 2ème du 20 avril 2023, n°21-20.644
La genèse du présent litige s’inscrit dans le cadre de l’assassinat d’un homme dans l’enceinte de sa propriété. Par suite de cet assassinat, la veuve a saisi la commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) et a été indemnisée de son préjudice économique...