Validité de l'accord transactionnel visant à partager un trésor

Validité de l'accord transactionnel visant à partager un trésor

Publié le : 28/09/2021 28 septembre sept. 09 2021

L’arrêt commenté a cela d’intéressant qu’il porte sur un sujet dont chacun pourrait rêver : la découverte d’un trésor. 

Mais il rappelle également la complexité de la répartition du trésor lorsque celui-ci est découvert par plusieurs inventeurs sur le fonds d’autrui. 

L’intérêt que présente l’arrêt tient enfin aux conditions de formation d’un protocole transactionnel.
 

Préambule

Le régime juridique relatif à la découverte d’un trésor est régi à l’article 716 du Code civil :
« La propriété d'un trésor appartient à celui qui le trouve dans son propre fonds ; si le trésor est trouvé dans le fonds d'autrui, il appartient pour moitié à celui qui l'a découvert, et pour l'autre moitié au propriétaire du fonds.

Le trésor est toute chose cachée ou enfouie sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété, et qui est découverte par le pur effet du hasard.
»

Les trésors sont donc des éléments « sans maître », cachés et découverts par le fruit du hasard. 

On qualifie d’« inventeur » celui qui est à l’origine de la découverte. 

Deux règles sont alors posées en matière de propriété en vertu de la disposition précitée : 
 
  • Si le trésor est découvert sur le fonds propre de l’inventeur, il en devient alors l’unique propriétaire ; 
  • Si le trésor est découvert par l’inventeur sur le fonds d’autrui, il lui appartient pour moitié. L’autre moitié revient au propriétaire du fonds. 

En l’espèce 

Il s’infère de l’exposé des faits et de la procédure de l’arrêt commenté, qu’au cours de travaux de rénovation immobilière, les salariés de la société de rénovation découvrent fortuitement le 21 juillet 2015 trente-quatre lingots d’or. 

Le 28 juillet 2015, un accord transactionnel est conclu entre les salariés à l’origine de la découverte et le propriétaire du fonds, dans les termes suivants : 
 
  • 19 lingots d’or reviennent au propriétaire du fonds ;
  • 30,86% du prix de vente des quinze autres lingots revient aux trois salariés qui effectuaient les travaux en leur qualité de co-inventeurs ;
  • Un tiers des 7,41% restant pour chacun des trois autres membres de la société de rénovation en leur qualité d’employeur, de directeur technique et de chef d’équipe. 

À la suite de la vente des lingots intervenue le 16 septembre 2015 pour un montant total, hors commission et droits fixes et de partage, de 1 002 376 euros, et à l’issue du partage opéré le 3 novembre 2015 dans les proportions de l’accord, un des salariés de la société a assigné en paiement les cosignataires de l’accord, sollicité reconventionnellement la nullité de l’accord et le paiement de différentes sommes, soutenant être le seul inventeur du trésor.

La Cour d’appel d’Orléans fait droit à sa demande et a annulé l’accord transactionnel en raison de l’absence de concessions réciproques et de l’impossibilité qu’il y ait plusieurs inventeurs de trésors. 

Un pourvoi a été formé à l’encontre de cet arrêt. 

Les demandeurs au pourvoi soutenaient que l’accord transactionnel était valide et « qu’en toute hypothèse, il peut y avoir pluralité d’inventeurs d’un trésor ; qu’ainsi, lorsque la découverte du trésor procède directement d’une action collective de plusieurs ouvriers, chacun d’eux doit être qualifié d’inventeur ». 

Problématiques soulevées et portée de l’arrêt

La Cour de cassation balaie le pourvoi relatif à la validité de l’accord transactionnel en relevant que le contrat est « intitulé par les parties elles-mêmes comme un accord transactionnel ».

Aux termes de l’article 2044 du Code civil : 
« La transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ».

En l’espèce, la Cour de cassation, en observant le contenu du protocole d’accord transactionnel, observe, qu’« aucune concession réciproque ne peut être retrouvée, dès lors que le propriétaire du site ne pouvait obtenir une gratification supplémentaire en application de l’article 716 précité, que les responsables de l’entreprise ne pouvaient prétendre à rien et que l’ouvrier ayant découvert le trésor n’obtenait que 30,86% des 15/34ème de sa valeur marchande, sans contrepartie ».

Rappelant que la validité d’une transaction est conditionnée par l’existence de concessions réciproques, la Haute juridiction valide ainsi la nullité du protocole, et rappelle qu’il convient en conséquence d’appliquer les règles du Code civil en matière de propriété sur les trésors.


Mais, l’arrêt apporte une solution particulière concernant le moyen soulevé relatif à la détermination du ou des inventeurs du trésor.

La motivation de la Cour mérite d’être reproduite :  

« Il en résulte que l’inventeur d’un trésor s’entend de celui ou de ceux qui, par le pur effet du hasard, mettent le trésor à découvert en le rendant visible et que, lorsque la découverte du trésor procède directement d’une action de plusieurs personnes, chacune d’elles doit être qualifiée d’inventeur 

Pour retenir que M. [U] était l’unique inventeur du trésor, après avoir constaté qu’il creusait avec une pelle un angle d’un mur, qu’il s’était heurté à la présence « d’un morceau » de béton, qu’il avait fait appel à M. [R] pour perforer cette dalle et qu’il avait trouvé trois boîtes de lingots, l’arrêt énonce que l’article 716 du code civil, qui n’évoque que celui qui a découvert le trésor, n’introduit pas la notion de coinventeurs.

En statuant ainsi, la cour d’appel, qui a écarté la possibilité d’une pluralité d’inventeurs, a violé le texte susvisé.
». 

La Cour de cassation, effectue une interprétation de l’article 716 du Code civil différente de celle de la Cour d’appel, en retenant une lecture plus large de la notion de propriétaire d’un trésor ayant concouru à sa découverte. 

Toute participation à sa découverte attribue la qualité de propriétaire si bien que toute partie ayant contribué à la « mise à nue » du trésor ne pourra être lésée lors de la répartition des bénéfices. 


Me Eugénie CRIQUILLION

Référence de l'arrêt : Cass. civ 1ère 16 juin 2021 n°19-21.567
 

Historique

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