Prêt immobilier et exigibilité du capital restant dû en cas de décès de l'emprunteur

Prêt immobilier et exigibilité du capital restant dû en cas de décès de l'emprunteur

Publié le : 06/01/2022 06 janvier janv. 01 2022

Les crédits immobiliers sont régulièrement souscrits accompagnés d’une assurance emprunteur, laquelle prévoit normalement une garantie décès qui protégera les héritiers de l’emprunteur et couvrira le solde restant du prêt souscrit. 
Toutefois, cette garantie, bien que recommandée, voire parfois exigée par les banques, est facultative et peut n’être que partielle. Se pose donc pour les héritiers du défunt le problème d’avoir à rembourser le capital emprunté et non couvert par l’assurance. 

En octobre dernier, la Cour de cassation a sur ce sujet, été saisie d’un litige lié à la prescription de l’action d’une banque dans le cadre d’une saisie-vente pour recouvrer sa créance, dont il a fallu pour la Haute juridiction trancher quant au fait de savoir si le décès de l’emprunteur constituait l’événement à date duquel la créance devenait exigible. 

En l’espèce, l’emprunteur de deux prêts immobiliers souscrits en 2006 auprès d’une banque, décède en 2015 et son assurance prend en charge une partie seulement du solde restant dû des prêts. 
La banque, après avoir mis en demeure en vain les héritiers du défunt emprunteur de régler le solde dû après paiement de l’assurance, prononce la déchéance du terme des prêts en 2017, et fait délivrer un commandement de payer aux fins de saisie-vente en 2018. Les héritiers assignent alors la banque devant le juge de l'exécution pour obtenir la mainlevée de la mesure de saisie, et que soit jugée prescrite l'action de la banque.

La Cour d’appel considérant que la mort de l’emprunteur entraînait l’exigibilité du solde restant dû, déclare prescrite la créance de la banque et donc sa demande irrecevable. Pour fonder sa décision, la Cour rappelle que « l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans à compter du jour où le titulaire a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action ; que l'action en paiement du capital d'un contrat de prêt restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité, sauf impossibilité d'agir du prêteur ». Les juges du fond ont considéré que le décès de l'emprunteur avait de facto rendu la créance exigible et que le délai de prescription avait commencé à courir le 2 décembre 2015, date à laquelle la banque a eu connaissance de l'identité des héritiers, alors que la banque qui contestait cette décision soutenait que seule la déchéance du terme avait rendu la créance exigible et permis au prêteur d'agir

La Cour de cassation devant qui le litige est porté accueille le bien-fondé de ce moyen, casse et annule la décision de la juridiction de second degré, sur le fondement des articles L 218-2 du Code de la consommation, 2224 et 2233 du Code civil et retient l’attendu suivant : 

« Il résulte de ces textes qu'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité, y compris en cas de décès de l'emprunteur ». 

Ainsi la Cour de Cassation rappelle que seule la déchéance du terme rend exigible la créance au titre du capital restant dû, la Cour d’appel qui a retenu comme point de départ du délai de prescription la date à laquelle le prêteur a eu connaissance de l'identité des héritiers de l'emprunteur, a violé les dispositions précitées. 

À la question de savoir si la mort de l’emprunteur a pour conséquence l’exigibilité immédiate du capital restant dû, la Cour de cassation répond par la négative, et rappelle que seule la déchéance du terme entraîne cette exigibilité et fait par conséquent courir le délai de prescription. 


GOUT DIAS Avocats Associés

Référence de l’arrêt : Cass. civ 1ère 20 octobre 2020 n°20-13.661

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