Contrat administratif : le litige d'exécution n'est pas le litige de la validité - Crédit photo : © @freepik
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Contrat administratif : le litige d'exécution n'est pas le litige de la validité

Publié le : 22/12/2023 22 décembre déc. 12 2023

Dans le cadre d’un litige relatif à l’exécution d’un contrat d’exploitation de service entre une société et une région, la Haute juridiction administrative a récemment été saisie concernant l’office du juge du contrat, saisi à propos d’un litige relatif à son exécution.


Dans l’affaire qui a été portée devant le Conseil d’État le 27 novembre dernier, l’établissement public SNCF Mobilités, désormais devenu la société SNCF Voyageurs, avait conclu avec la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur un contrat d’exploitation des services ferroviaires régionaux pour la période 2007-2016, lequel prévoyait le versement et le mode de calcul d’une contribution financière.

Courant 2016, la région a cependant modifié de manière unilatérale, et à la baisse, le montant de cette contribution par voie de délibération, en conséquence de quoi la société l’a assignée devant le juge administratif, afin d’obtenir le versement d’une indemnité correspondant à la différence entre le montant de la contribution prévisionnelle fixé au contrat et celle réellement versée, sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Le tribunal administratif de Marseille a annulé ce contrat et a ordonné avant dire droit une expertise comptable afin de déterminer le montant des charges de SNCF Mobilités et, le cas échéant, le préjudice financier indemnisable subi par ce dernier au titre de l’exercice 2016 du fait de la délibération litigieuse.
La cour administrative d’appel de Marseille a ensuite par un arrêt, donné acte à SNCF Mobilités de son désistement au titre de sa demande de condamnation de la région à lui verser la somme de 48 237 374 euros assortie des intérêts au taux contractuel à compter du 27 décembre 2016, avec capitalisation de ces intérêts au titre de l’exercice 2016, et a rejeté le surplus des conclusions de son appel, retenant, comme en première instance, que les clauses financières du contrat conclu entre les parties étaient illicites.

La société SNCF Voyageurs, venant aux droits de l’établissement public industriel et commercial SNCF Mobilités a alors formé un pourvoi devant le Conseil d’État, en annulation de cet arrêt, puisqu’elle ne s’était désistée que de ses demandes indemnitaires, et avait maintenu ses conclusions d’appel concernant l’annulation du contrat par le Tribunal, alors qu’il n’a été saisi d’aucune conclusion en ce sens.

Après avoir rappelé le principe de loyauté des relations contractuelles, selon lequel il incombe au juge « de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel », le Conseil d’État, statuant au fond sur le fondement de l’article L. 821-2 du Code de justice administrative, annule l’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel.

En effet, après avoir constaté que le Tribunal administratif n’avait été saisi que d’un litige indemnitaire relatif à l’exécution du contrat d’exploitation des services ferroviaires régionaux et annulé ce contrat, alors que la région, si elle avait invoqué en défense, par la voie de l’exception, le caractère illicite du contenu du contrat, afin que le litige soit réglé sur un terrain extracontractuel, ne l’avait pas saisi d’un recours de plein contentieux contestant la validité de ce contrat, le Conseil d’État juge que « le tribunal administratif ne pouvait, sans méconnaître son office, annuler le contrat litigieux alors qu’il était saisi d’un litige relatif à l’exécution de ce contrat à l’occasion duquel le caractère illicite du contenu du contrat était soulevé par la seule voie de l’exception. Par conséquent, la société SNCF Voyageurs est fondée à demander l’annulation de l’article 1er du jugement attaqué qui annule le contrat litigieux. ».

Le Conseil d’État rappelle également que le juge qui ainsi statuerait ultra petita, à tort, entacherait sa décision d’un vice qui peut ensuite être soulevé d’office par le juge d’appel (moyen d’ordre public).

Dans les conclusions relatives à cette affaire, le rapporteur public précise en outre que « permettre au juge de l’exécution d’annuler d’office le contrat aurait pour effet de déposséder le requérant de ses conclusions indemnitaires au profit de la mise en accusation d’un contrat qu’il n’entendait nullement contester. Cela reviendrait à permettre au juge de provoquer un changement de la portée de la requête en mettant en jeu la survie juridique de l’acte là où les parties entendaient seulement garantir la poursuite de son exécution ».


DEVARENNE Associés Grand-Est

Référence de l’arrêt : Arrêt du Conseil d’État du 27 novembre 2023, 2ème et 7ème chambre réunies, n°462445, Sté SNCF Voyageurs, mentionné aux tables.
 

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