Quand la lenteur des recherches de reclassement entraîne la résiliation judiciaire du contrat de travail
La résiliation judiciaire du contrat de travail est un mécanisme par lequel le salarié demande aux juges la rupture de son contrat aux torts de l’employeur. En cas d’acceptation, cette résiliation a l’effet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en cas de rejet, la relation contractuelle se poursuit.
Dans le cadre d’une inaptitude déclarée par le médecin du travail, l’employeur est tenu d’engager rapidement des démarches de reclassement ou, à défaut, de procéder au licenciement du salarié, au risque de manquer à ses obligations.
Ces deux notions du droit du travail ont été rapprochées dans un arrêt de la Cour de cassation, alors questionnée sur les effets de la lenteur de l’employeur dans ses recherches de reclassement et leur susceptibilité de justifier une résiliation judiciaire du contrat de travail.
Dans l’affaire en question, un salarié avait été déclaré inapte par le médecin de travail le 11 juin 2019, lequel précisait que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
L’employeur qui avait repris le paiement du salaire en septembre 2019, avait alors soumis au salarié, le 10 octobre 2019, une proposition de reclassement à l’étranger, proposition refusée quelques jours plus tard par le salarié.
Le 31 janvier 2020, alors que la procédure de licenciement n’avait toujours pas été engagée, le salarié avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, avant d’être finalement licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement, le 26 mars 2020.
Saisie du litige, la Cour d’appel avait rejeté les demandes du salarié tendant à reconnaître la résiliation judiciaire de son contrat de travail et de versement de dommages et intérêts subséquents, les juges du fond considérant que l’obligation de reclassement est autonome de celle de reprendre le paiement du salaire et n’est enfermée dans aucun délai.
Une position qui n’est pas partagée par la Cour de cassation, laquelle au visa des articles L 1222-1 et L 1226-11 du Code du travail, en application desquels le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi, et que lorsqu’à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.
En l’espèce, la Haute juridiction relève que la juridiction d’appel avait elle-même constaté que l’employeur avait tardé à réagir après l'avis d’inaptitude du 11 juin 2019, sollicitant des précisions du médecin du travail seulement le 14 octobre 2019, puis consultant les sociétés du groupe pour un reclassement le 29 novembre 2019, avant d'engager la procédure de licenciement en mars 2020.
En refusant de considérer que cette lenteur constituait un manquement aux obligations de l’employeur, la Haute juridiction juge que la Cour d’appel a violé les textes précités, puisqu’il ressortait de ses constatations que le salarié avait été maintenu dans une situation d’inactivité forcée au sein de l’entreprise, le contraignant ainsi à saisir la juridiction prud’homale, ce dont elle aurait dû déduire l’existence d’un manquement de l’employeur à ses obligations.
Par cet arrêt, la Cour de cassation affirme que l’inaction prolongée de l’employeur après la déclaration d’inaptitude d’un salarié peut constituer un manquement grave à ses obligations contractuelles, justifiant potentiellement la résiliation judiciaire du contrat de travail.
EPILOGUE Avocats
Référence de l’arrêt : Cass. soc du du 4 décembre 2024, n°23-15.337