Destruction de la construction empiétant l’assiette d’une servitude de passage : nécessaire contrôle de proportionnalité

Destruction de la construction empiétant l’assiette d’une servitude de passage : nécessaire contrôle de proportionnalité

Publié le : 13/03/2020 13 mars mars 03 2020

Juridiquement, l’assiette d’une servitude de passage correspond à l’endroit spécifique où s’exerce ce droit sur un terrain. 
Les règles en la matière empêchent au propriétaire d’un fonds servant, d’opérer en des actes qui auraient pour effet de diminuer l’exercice de la servitude, ou de la rendre moins fonctionnelle (article 701 du Code civil). 
Par principe, l’assiette de servitude n’est donc pas susceptible de supporter une construction de la part du propriétaire du fond dominant. A ce propos régulièrement, et sur le fondement de l’article 555 du Code civil, les juridictions ordonnent la démolition, même lorsque empiétement est simplement partiel (Cass. civ 3ème 10 novembre 2016 n°15-25.113). 

Pourtant, dans une récente décision, la Cour de cassation a opéré en un revirement de jurisprudence en la matière, en mettant en corrélation droit de propriété et respect du droit au domicile. 

Dans les faits, suite à l’obtention d’un permis de construire un couple de propriétaires a édifié une maison d’habitation, dont il s’avère qu’une partie de l’édification empiète sur une largeur de 8 mètres, une servitude de passage. 
La servitude de passage bénéficiant à plusieurs propriétaires indivis, ces derniers assignent les propriétaires du fonds servant en démolition de la construction, suppression de tous les équipements et plantations gênant cette servitude. 

La Cour d’appel accueille la demande de démolition sur le fondement de l’article 701 du Code civil constatant que le déplacement de l’assiette de la servitude ne peut être imposé. 

Pourtant, la 3ème chambre civile casse et annule partiellement l’arrêt rendu par la Cour d’appel, censurant l’absence par cette dernière d’avoir vérifié si la mesure de démolition n’était pas disproportionnée au regard du droit au respect du domicile. 

La Cour de cassation fonde sa décision sur le respect du droit au domicile consacré par l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Cette norme garantit à toute personne le respect de son domicile, et interdit toute forme d’atteinte injustifiée. 
Avec cette décision la Haute Juridiction demande donc aux juges de vérifier préalablement à la prise d’une décision de démolition concernant une habitation qui empiète sur l’assiette d’une servitude conventionnelle, que cette dernière n’est pas disproportionnée au respect du droit au domicile. 

Le propriétaire d’un fonds dominant ne pouvant pas, au motif du respect au domicile, construire de manière délibérée sur l’assiette de servitude, reste donc aux juridictions de définir les contours de cette nécessaire analyse de proportionnalité. En l’espèce, s’agissant d’une cassation partielle avec renvoi devant la Cour d’appel, il conviendra d’observer ce que décide la juridiction de second degré concernant empiétement. 


Référence de l’arrêt : Cass. civ 19 décembre 2019 n°18-25.113

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