Consentement du conjoint et privilège du prêteur de deniers

Consentement du conjoint et privilège du prêteur de deniers

Publié le : 01/09/2021 01 septembre sept. 09 2021

Les sûretés immobilières sont des garanties exigées par les banques et les organismes de financement lorsqu’elles consentent un crédit, leur permettant de saisir le bien apporté en garantie en cas de défaut de paiement du bénéficiaire du financement. 
Parmi ces différents mécanismes figure le privilège du prêteur de deniers, consenti par acte notarié qui permet au prêteur, en cas de non-remboursement du prêt, de saisir en priorité le bien immobilier pour le mettre en vente afin d’être remboursé du capital restant dû.


Lorsque le privilège du prêteur de deniers est consenti sur un bien appartenant à la communauté, il convient de recueillir le consentement des deux époux, comme l’a récemment rappelé la Cour de cassation. 

Dans les faits, une femme mariée sous le régime légal de la communauté légale réduite aux acquêts a contracté un emprunt afin de financer un immeuble pour le compte de la communauté d’un montant total de 600 000 euros, dont 500 000 ont été garantis par un privilège de prêteur de deniers, et enregistré par acte notarié. 
La somme prêtée n’ayant pas été remboursée par l’épouse, un commandement de payer lui est délivré valant saisie immobilière du bien, mais cet acte est annulé compte tenu du fait que l’emprunt en question a été souscrit sans le consentement du mari de l’emprunteuse, et puisque l’article 1415 du Code civil prévoit que les biens communs, sauf consentement exprès de l’autre conjoint, échappent au droit de gage général du prêteur. 

Le prêteur assigne alors en responsabilité le notaire qui a enregistré l’acte de prêt, lequel est condamné par la Cour d’appel saisie des griefs à indemniser le prêteur de la somme de 400 000 euros au titre de dommages et intérêts. 
Les juges retiennent en effet que l’officier public a commis une faute dans son obligation d’assurer l’efficacité de l’acte, en omettant de solliciter le consentement de l’époux de l’emprunteuse, alors qu’il avait connaissance à la fois du régime juridique de l’emprunteuse et du fait que l’achat était fait pour la communauté. 

Le notaire se pourvoit en cassation, mais la Haute juridiction rejette sa demande en rappelant que l’arrêt de la Cour d’appel a énoncé à bon droit que « si l’acte de prêt souscrit par un seul époux sous le régime de la communauté n’est pas inefficace, la mise en œuvre du privilège de prêteur de deniers est subordonnée au consentement de son conjoint à l’emprunt ». 

Ici, la Cour de cassation rappelle simplement les différentes règles en vigueur concernant les biens appartenant à la communauté et grevés d’un privilège. 

D’une part, compte tenu de l’article 2374 du Code civil, les créanciers privilégiés sur les immeubles sont « ceux qui ont fourni les deniers pour l'acquisition d'un immeuble, pourvu qu'il soit authentiquement constaté, par l'acte d'emprunt, que la somme était destinée à cet emploi et, par quittance du vendeur, que ce paiement a été fait des deniers empruntés ». 

D’autre part, l’article 1413 du même Code prévoit que « Le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs, à moins qu'il n'y ait eu fraude de l'époux débiteur et mauvaise foi du créancier, sauf la récompense due à la communauté s'il y a lieu ». 

Enfin, l’article 1415 quant à lui dispose que « Chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres ». 

Au visa de l’ensemble de ces textes, la première chambre civile précise à nouveau que le privilège consenti à un prêteur de deniers ne peut être mis en œuvre lorsqu’il porte sur un bien commun, uniquement s’il a été formellement consenti par les deux conjoints. À défaut, la responsabilité professionnelle du notaire peut être engagée pour avoir manqué à son obligation d’assurer l’efficacité de l’acte, faute d’avoir recueilli l’avis de l’autre époux.


GHD Notaires & Associés

Référence de l’arrêt : Cass. civ 1ère 5 mai 2021 n°19-15.072

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