FAMILLE – Prestation compensatoire et atteinte au droit du respect des biens
Publié le :
12/12/2022
12
décembre
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12
2022
Cass. civ 1ère civ du 30 novembre 2022, n°21-12.128
À l’occasion du prononcé d’un divorce dont le jugement mettait à la charge de l’épouse une prestation compensatoire sous la forme d’un capital de 50 000 euros, la Cour de cassation a été saisie de la contestation de cette sanction pécuniaire, en ce qu’elle porterait atteinte au respect des biens, au sens autonome de l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En effet, sur le fondement de ce texte, l’épouse soutient d’une part que les restrictions de propriété doivent être prévues par la loi, poursuivre un but légitime et ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu. D’autre part, elle argue du fait que l'article 270 du Code civil, fondement de la mise à sa charge de la prestation compensatoire, pose un principe très général d'attribution d'une telle prestation, sans prise en compte des causes du divorce, de la situation financière de l'époux demandeur qui devrait se trouver dans une situation de besoin ou de la cause de la disparité dans les conditions de vie respectives et ne pose que des exceptions résiduelles et insuffisantes à ce principe d'attribution.
Enfin, elle reproche à cette même disposition d’allouer une prestation sans limite de temps, au regard de la durée de vie restante des époux après leur divorce.
La Cour de cassation ne retient pas ses arguments et rappelle cinq points fondamentaux en matière de prestation compensatoire :
- " L'article 270 du code civil, en ce qu'il prévoit la possibilité d'une condamnation pécuniaire de l'époux débiteur de la prestation compensatoire est de nature à porter atteinte au droit de celui-ci au respect de ses biens, au sens autonome de l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » ;
- « En visant à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée, avec la disparition du devoir de secours, dans les conditions de vie respectives des époux et en prévoyant le versement d'une prestation compensatoire sous la forme d'un capital, ce texte poursuit le but légitime à la fois de protection du conjoint dont la situation économique est la moins favorable au moment du divorce et de célérité dans le traitement des conséquences de celui-ci » ;
- « L'octroi d'une prestation compensatoire repose sur plusieurs critères objectifs, définis par le législateur et appréciés souverainement par le juge afin de tenir compte des circonstances de l'espèce, et ne peut être décidé qu'au terme d'un débat contradictoire, en fonction des éléments fournis par les parties » ;
- « C'est ainsi que, selon l'article 270, alinéa 2, du code civil, l'existence d'une disparité dans les conditions de vie des époux à la date de la rupture s'apprécie au regard des ressources, charges et patrimoine de chacun des époux au moment du divorce, ainsi que de leur évolution dans un avenir prévisible, et qu'elle n'ouvre droit au bénéfice d'une prestation compensatoire au profit de l'époux qui subit cette disparité que si celle-ci résulte de la rupture du mariage, à l'exclusion de toute autre cause » ;
- « Selon l'article 270, alinéa 3, du code civil, le juge peut toutefois refuser d'accorder une prestation compensatoire si l'équité le commande, soit en considération des critères prévus à l'article 271, tels que l'âge des époux, leur situation au regard de l'emploi ou les choix professionnels opérés par eux, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture ».
La Haute juridiction conclut finalement qu’il résulte de ces dispositions qu’elles « ménagent un juste équilibre entre le but poursuivi et la protection des biens du débiteur sur lequel elles ne font pas peser, par elles-mêmes, une charge spéciale et exorbitante », de sorte l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n’en est pas violé.
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