RESPONSABILITÉ - Rente AT/MP et indemnisation complémentaire : un revirement de jurisprudence
Publié le :
24/01/2023
24
janvier
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01
2023
Cass. Plénière du 20 janvier 2023, n°21-23.947
À la suite du décès de deux salariés, consécutivement à un cancer des poumons contracté pour cause d’inhalation d’amiante, leurs ayants droit avaient saisi la juridiction de sécurité sociale pour que soit reconnue la faute inexcusable de l’employeur.
Cette cause est retenue par les deux Cours d’appel saisies chacune respectivement des griefs, où l’une d’elles accorde aux victimes, une indemnisation plus étendue que celle prévue par le Code de la sécurité sociale, considérant que les souffrances physiques et morales endurées par le malade après la consolidation, constituaient un préjudice personnel qui devait être réparé de façon spécifique. L’affaire est jugée à nouveau en appel, après envoi en cassation, mais la juridiction de second degré ne suit pas l’avis de la Haute juridiction et confirme sa position, là où dans la seconde affaire, la juridiction du fond se conforme à la position de la Cour de cassation, et retient qu’il n’y avait pas lieu d’adjoindre le versement d’indemnités liées aux souffrances physiques et morales de la victime après la consolidation.
Saisie dans le cadre de la première affaire par l’agent judiciaire de l’État, et dans la seconde par la famille de la victime, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence concernant l’étendue de l’indemnisation garantie par la rente accident du travail.
En effet, réunie en assemblée solennelle, la Cour de cassation rappelle le droit positif en matière d’indemnisation des victimes d’accident du travail :
- Selon les articles L. 434-1 et L. 434-2 du Code de la sécurité sociale, « la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle atteinte d'une incapacité permanente égale ou supérieure au taux de 10 % prévu à l'article R. 434-1 du même code est égale au salaire annuel multiplié par le taux d'incapacité qui peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité de celle-ci » ;
- Au titre de l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, « indépendamment de la majoration de la rente qu'elle reçoit en vertu de l'article L. 452-2 du même code, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle » ;
- Concernant la jurisprudence antérieure : « la Cour de cassation juge depuis 2009 que la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent », et admet que « la victime percevant une rente d'accident du travail puisse obtenir une réparation distincte des souffrances physiques et morales qu'à la condition qu'il soit démontré que celles-ci n'ont pas été indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent ». Cette position est motivée par l’impératif d'éviter une double indemnisation du préjudice.
Cependant, elle constate qu’il ressort notamment de la doctrine que cette position est de nature « à se concilier imparfaitement avec le caractère forfaitaire de la rente au regard du mode de calcul de celle-ci, tenant compte du salaire de référence et reposant sur le taux d'incapacité permanente défini à l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale ». Sentiment renforcé par la jurisprudence administrative, qui de manière constante considère qu’en raison de la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail, ainsi que son mode de calcul, appliquant au salaire de référence de la victime le taux d'incapacité permanente, il convient de regarder la rente d'accident du travail « comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, et que dès lors le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une telle rente ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice et non sur un poste de préjudice personnel ».
Ainsi, la Cour de cassation en conclu que « L'ensemble de ces considérations conduit la Cour à juger désormais que la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent ».
En pratique, les victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle, et leurs ayants droit, pourront désormais prétendre à une indemnité complémentaire, distincte de la rente versée par la Caisse de sécurité sociale, afin d’indemniser, notamment les souffrances supportées après consolidation dans leur vie quotidienne, sans pour autant devoir justifier que la rente initiale couvre ce poste de préjudice.
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