Netflix peut-il vraiment interdire la fin du partage de compte ?
Publié le :
25/05/2023
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Peu d’entre nous y songent lorsqu’ils lancent le « Toudoum » quotidien de la célèbre plateforme au N rouge sur fond noir, mais dans le cadre de l’utilisation du service, une relation juridique est nouée entre celle-ci et les boulimiques de séries et films en tous genres.
Depuis 2021, le géant du streaming fait planer la menace de la fin du partage de comptes, technique qui, s’il est encore nécessaire de définir pour les moins opportunistes d’entre nous, consiste à partager ses identifiants de connexion avec d’autres personnes, par-delà les frontières s’il le faut, sans surcoût, permettant ainsi à plusieurs personnes d’accéder en même temps au service, dans la limite du nombre d’écrans de visionnage en simultané, souscrit.
Et si le CEO de Netflix affirmait auparavant que ce partage ne posait aucun problème à la firme, au contraire que celle-ci aimait « les gens qui partagent Netflix qu’elles soient deux personnes sur un canapé ou 10 personnes sur un canapé », cette notion de partage semble avoir une limite, puisque comme il le prédisait depuis 2022, le groupe a annoncé en ce début de semaine, la fin du partage de compte dans l’hexagone.
Alors Netflix peut-il, juridiquement, imposer une telle restriction ?
La réponse est oui, sans hésitation.
Vous ne vous en souvenez sûrement pas, parce que vous ne les avez peut-être pas lues, mais ce qui vous lie juridiquement avec la plateforme, ce sont les conditions générales d’utilisation (CGU) du service, acceptées lors de la souscription. Or, l’article 4.2 de celles-ci, précise expressément : « Le service Netflix, ainsi que tout contenu auquel vous accédez via le service, est réservé à un usage uniquement personnel et non commercial et ne doit pas être partagé avec des personnes extérieures à votre foyer, sauf si votre offre l'autorise. Pendant la durée de votre abonnement, nous vous accordons un droit limité, non exclusif et non cessible vous permettant d'accéder au service Netflix et au contenu Netflix. À l'exception de ce qui précède, aucun droit, titre ou intérêt ne vous est accordé. Vous acceptez de ne pas utiliser le service pour des projections publiques ».
Certains seraient tentés de dire que l’opérateur est en train de procéder à une modification unilatérale des CGU, en ce que le service va dorénavant rendre effective cette interdiction par la mise en place de mesures qui ne sont pas encore précisées aux CGU.
À ce titre, en France en effet, aux termes de l’article L 111-2 du Code de la consommation, tout professionnel qui met à disposition un service auprès d’un consommateur est tenu à une obligation d’information précontractuelle, notamment par communication des CGV ou CGU. Toute modification unilatérale des conditions générales, initialement acceptées par l’utilisateur, est interdite.
Le professionnel doit en effet impérativement informer l’utilisateur du projet de modification avant son entrée en vigueur, en plus de lui indiquer qu’il dispose de la possibilité d’accepter ou non ces nouvelles conditions.
Il n’est guère envisageable que le géant numérique se dispense de cette information préalable, et les utilisateurs du service devraient prochainement recevoir une telle documentation dans leur boîte mail, si ce n’est directement lors de leur connexion au service.
Pour autant, le raisonnement juridique reste à approfondir concernant les procédés employés par le géant numérique pour réussir à détecter s’il y a partage de compte.
En effet, rien n’est pour l’heure défini, mais la firme a annoncé effectuer son tracking sur la base de trois éléments : l’adresse IP, l’identifiant de l’appareil et l’activité du compte à travers les appareils connectés à ce compte, ce qui a de quoi donner lieu à de nouvelles interrogations juridiques, concernant le respect des données personnelles des utilisateurs.
Rappelons toutefois en mot de la fin que le partage de compte, dont l’interdiction est aujourd’hui justifiée pour des raisons de perte de revenus, a contribué, il ne faut pas l’oublier, au gain de popularité de la plateforme lors de ses débuts…
Marion Glorieux, Legal Content Manager - Septeo LegalTech
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