L’obligation de relogement du locataire protégé ne porte pas d’atteinte disproportionnée au droit de propriété
Publié le :
25/07/2023
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L'article 15, III de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 met à la charge du bailleur, délivrant un congé pour reprise, l’obligation de proposer un logement au locataire, âgé de plus de 65 ans et dont les ressources sont inférieures au plafond pour l'attribution de logements locatifs conventionnés. De plus, cette obligation est complexifiée par l’exigence de trouver un logement situé à proximité de sa précédente résidence et correspondant aux besoins du preneur ainsi qu'à ses capacités financières.
Cette tâche peut s’avérer relativement ardue lorsque le bail en cause est ancien et que les loyers pratiqués à proximité du logement sont devenus excessivement élevés pour le locataire. Dans ce contexte, le Conseil constitutionnel a été sollicité pour se prononcer sur la constitutionnalité de cette obligation légale, notamment en raison de son atteinte au droit de propriété, consacré l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Dans cette affaire, les bailleurs d’un logement ont délivré aux preneurs un congé aux fins de reprise pour l’habiter. Cependant, les loyers pratiqués sur le marché locatif ne correspondant plus aux ressources des locataires, les propriétaires n’ont pu leur proposer un logement correspondant à leurs besoins et à leurs possibilités dans les limites géographiques déterminées par la loi. Faute de départ des locataires, les propriétaires les ont assignés en validation du congé et expulsion.
Déboutés de leurs prétentions, les bailleurs ont formé un pourvoi à l’occasion duquel ils ont posé la question prioritaire de constitutionnalité suivante : L’obligation du bailleur, disposant d’un motif légitime de reprendre son bien pour l’habiter, de proposer au locataire protégé un logement correspondant à ses besoins, ses possibilités et dans les limites géographiques déterminées, porte-t-il une atteinte disproportionnée au droit de propriété au regard de l’objectif poursuivi, lorsque l’état du marché locatif place le bailleur dans l’impossibilité de proposer un tel logement ?
La Cour de cassation, considérant que la question présentait un caractère sérieux, a transmis la question au Conseil constitutionnel. Elle relevait, d’une part, que l’obligation de proposer un relogement au locataire protégé, dans des conditions de ressource et de périmètre géographique définies, porte atteinte aux conditions d’exercice du droit de propriété du bailleur. D’autre part, elle estimait que l’atteinte pouvait être disproportionnée lorsque le marché locatif, dans le secteur concerné, propose des loyers incompatibles avec les faibles revenus du locataire, rendant impossible pour le bailleur d'exécuter son obligation de relogement.
En premier lieu, le Conseil constitutionnel considère que le législateur, ayant entendu protéger les locataires âgés disposant de faibles ressources, a œuvré à la poursuite d’un objectif de valeur constitutionnelle constitué par la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement. De plus, la stricte limitation de l’obligation par des conditions d’âge, de ressources et d’un périmètre géographique suffisamment étendu, ne la rend pas disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi.
Par ailleurs, cette obligation ne trouve pas à s’appliquer lorsque le bailleur est lui-même âgé de soixante-cinq ans ou lorsque ses propres ressources annuelles sont inférieures au même plafond que celui des locataires. En dernier lieu, le propriétaire, disposant de la faculté de vendre le bien ou d’en percevoir les loyers peut, en outre, l’assigner en résiliation et en expulsion lorsque celui-ci manque à ses obligations.
En conséquence, le Conseil constitutionnel juge l'article 15, III de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 conforme à la Constitution. Ainsi, même lorsque le marché locatif rend difficile l’obligation de relogement, le manquement du bailleur à cette obligation emporte la nullité du congé délivré au locataire.
ID FACTO
Référence de l’arrêt : Cons. Const. QPC du 26 mai 2023, n° 2023-1050.
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