EUROPEEN – Appréciation ex nunc du risque des mauvais traitements

EUROPEEN – Appréciation ex nunc du risque des mauvais traitements

Publié le : 15/09/2023 15 septembre sept. 09 2023

CEDH du 7 sept. 2023, n°3772621

Récemment, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rappelé aux autorités françaises l’appréciation ex nunc du risque, principe en vertu duquel la Cour doit, pour apprécier le risque de mauvais traitements, se placer à la date de l’examen de l’affaire afin d’analyser les informations apparues postérieurement à l’adoption, par les autorités internes, de la décision définitive de renvoi du requérant vers le pays d’accueil.


Le litige prend sa genèse dans une enquête visant un ressortissant du Burkina Faso et portant sur l’assassinat par armes à feu et l’incendie du véhicule d’un journaliste d’investigations et de ses accompagnateurs. À l’époque des faits, le ressortissant était l’un des proches conseillers d’un ancien président de la République du Burkina Faso démis de ses fonctions par un soulèvement populaire.

Dans le cadre de cette enquête, un mandat d’arrêt international a été délivré à son encontre, en vertu duquel les autorités burkinabè souhaitaient obtenir son arrestation provisoire. Aussi, une fois ce dernier arrêté, les autorités du Burkina Faso ont transmis aux autorités françaises une demande d’extradition au visa de l’Accord de coopération en matière de justice signé entre la France et le Burkina Faso en 1961.

Malgré le courrier du ministre de la Justice du Burkina Faso s’engageant à ne pas requérir la peine de mort et de ne pas la ramener à exécution si elle était prononcée par le juge, le requérant soutenait qu’une extradition l’exposerait à un risque réel de subir des traitements inhumains et dégradants ainsi qu’une détention dans des conditions indignes.

À cet égard, il invoquait l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme qui prohibe la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants. Cet article est absolu dans la mesure où il ne souffre aucune dérogation, même en cas de danger public menaçant la vie de la nation, selon l’article 15 de la même Convention.

La CEDH apprécie d’une part, les assurances fournies par l’État d’accueil du respect de la Convention, et d’autre part, les garanties que le requérant sera effectivement protégé contre le risque de mauvais traitements.

Si la Cour confirme l’argument du gouvernement burkinabè selon lequel il entretient des relations diplomatiques de longue date avec la France, elle relève cependant que ces relations se sont indéniablement détériorées depuis plusieurs mois et qu’elles ne fournissent plus la fiabilité des assurances fournies par le passé et sur lesquels les autorités françaises s’étaient fondées pour accorder l’extradition du requérant.

Elle considère, dès lors, que l’absence de prise en compte du nouveau contexte politique et constitutionnel du pays d’accueil ne permet pas d’écarter les risques de traitements inhumains et dégradants ainsi que de mauvaises conditions de détention, allégués par le requérant.

Par conséquent, la mise à exécution du décret d’extradition, sans que la France ne procède à un réexamen ex nunc de la validité et de la fiabilité des assurances diplomatiques fournies par le Burkina Faso, de nature à écarter une peine ou des traitements contraires à l’article 3 précité, violerait le volet procédural de cet article.


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