Licenciement disciplinaire : la date précise des faits est-elle nécessaire ?
En application de l’article L 1232-6 du Code du travail, tout licenciement doit être notifié par lettre recommandée et comporter « l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur ».
En matière de licenciement disciplinaire, l’employeur doit agir avec célérité puisque, conformément aux dispositions de l’article L 1332-4 du Code du travail « aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance ».
La question se pose donc de savoir si la mention de la date précise de la commission ou de la découverte des faits fautifs doit figurer dans la lettre de licenciement.
La chambre sociale de la Cour de cassation vient de réaffirmer sa position en la matière.
Dans l’affaire en question, un salarié avait été licencié pour faute grave, la société lui reprochant, notamment, de s’être fait remettre, chaque mois depuis l’origine, des chèques à son nom en règlement de déchets de métaux collectés par une société spécialisée.
Le vol n’était pas contesté en lui-même mais le salarié faisait valoir que l’employeur n’avait pas mentionné, dans la lettre de licenciement, ni la date des faits reprochés, ni la date de leur découverte et invoquait la prescription des faits.
La Cour d’appel avait fait droit à sa demande et avait déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Pour retenir la prescription, la Cour d’appel avait relevé que l’employeur situait au 20 décembre 2012 la découverte de l’ampleur des détournements imputés au salarié, à la faveur d’une réunion avec le prestataire en charge des déchets ferreux, mais que, pour autant, la société n’avait pas donné cette précision dans la lettre de licenciement, de sorte que le salarié était fondé à opposer à l’employeur la prescription des faits imputés à ce titre.
La Cour de cassation a sanctionné ce raisonnement au visa de l’article L.1232-6 du Code du travail relatif au formalisme de la lettre de licenciement.
Selon elle, si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, la datation des faits invoqués n’est pas nécessaire et l’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ces motifs.
En l’espèce, la lettre de licenciement, qui n’avait pas à préciser la date des faits reprochés, énonçait des griefs précis et matériellement vérifiables pouvant être discutés devant les juges du fond, et la Haute juridiction rappelle qu’il appartenait seulement à la Cour d’appel de vérifier si l’employeur justifiait de la découverte des faits litigieux dans le délai de deux mois (article L1332-4 du Code du travail), et, dans l’affirmative, si de tels faits étaient établis et justifiaient le licenciement.
Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence établie, la Cour de cassation ayant déjà énoncé le principe selon lequel les juges du fond ne peuvent pas se fonder sur la seule absence de précision quant à la date des griefs allégués par l’employeur pour en conclure à une absence de cause réelle et sérieuse du licenciement (Cass. Soc., 7 mars 1995, n°93-43.415 et 93-43.596 ; Cass. Soc., 5 janv. 1995, n°93-42.190).
Il n’en demeure pas moins que les employeurs ont tout intérêt à être précis dans la motivation d’un licenciement disciplinaire, en particulier quant à la date de la commission ou de la découverte des faits.
EPILOGUE AVOCATS
Référence de l’arrêt : Cass. soc du 11septembre 2024, n°22-24.514
Historique
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