SUCCESSIONS – Clauses testamentaires ambiguës et droit de se défendre des héritiers
Publié le :
09/08/2023
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Cass. civ 1ère du 12 juillet 2023, n°21-24.292
En droit des successions, la réserve héréditaire représente la part de patrimoine du défunt qui est réservée par la loi aux héritiers, le reste : la quotité disponible, étant la part dont le défunt (le de cujus) pouvait librement disposer de son vivant, notamment par l’attribution de legs.
Dans une affaire portée devant la Cour de cassation le 12 juillet dernier, un père décède et laisse pour lui succéder ses trois enfants et un testament authentique dans lequel il désigne sa compagne (Mme X) comme légataire à titre particulier, et déclare : « En outre, j'informe mes enfants que depuis janvier 2009, étant totalement dépendant, j'ai décidé d'attribuer au profit de Mme [X] la somme de huit cents euros (800,00) par mois au titre de l'assistance et des soins qu'elle m'accorde jour et nuit ainsi que pour le logis et le couvert », et précise que « si l'un de mes enfants venait à contester ces versements, il serait privé de ses droits dans la quotité disponible de ma succession, lesquels droits reviendraient alors à Mme [X], ma compagne. »
Un litige né lors du règlement de la succession, et est porté devant la Cour d’appel, laquelle condamne les enfants à verser à la compagne de leur père, la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, au motif qu’ils s’étaient opposés, contre l'évidence même de la lettre du testament de leur père et contre l'esprit même des dernières et expresses volontés de ce dernier, à ce que sa compagne bénéficie de la gratification.
Pourtant, selon les héritiers, l'emploi des termes « j'informe mes enfants » et la circonstance que le testament prévoit une clause de déchéance des droits des héritiers à la quotité disponible en cas de contestation des versements, rendait l'acte ambigu sur le point de savoir s'il s'agissait véritablement d'un legs ou de ce que le défunt avait d'ores et déjà réglé mensuellement à sa compagne, la somme de 800 euros depuis le mois de janvier 2009.
Leur cause est entendue par la Cour de cassation qui, au visa de l’article 1240 du Code civil, selon lequel « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer », et juge en l’espèce que les clauses du testament par lesquelles le de cujus informait ses enfants de sa décision, prise en 2009, d'attribuer des versements mensuels à sa compagne, étaient ambiguës.
Par conséquent, selon elle, la Cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser une faute ayant fait dégénérer en abus l'exercice par les héritiers de leur droit de se défendre en justice, et a ainsi violé le texte susvisé.
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