La réforme du droit des sûretés [PART – 2] : Le sort des sûretés réelles à l’issue de la réforme, la création de la cession de somme d’argent et la consécration de la cession de créance, à titre de garanties

La réforme du droit des sûretés [PART – 2] : Le sort des sûretés réelles à l’issue de la réforme, la création de la cession de somme d’argent et la consécration de la cession de créance, à titre de garanties

Publié le : 01/12/2021 01 décembre déc. 12 2021

Après avoir évoqué lors de notre rédaction mensuelle du mois d’octobre le sort du cautionnement à l’issue de la réforme du droit des sûretés introduit par l’ordonnance du 15 septembre 2021 (n°2021-1192), nos notaires s’intéressent ce mois-ci aux nouveautés propres aux sûretés réelles, et plus particulièrement la consécration de deux nouvelles garanties. 
 

Quels principaux changements pour les sûretés réelles ? 

  • La fiducie
 
La fiducie est la convention par laquelle le constituant transfère au fiduciaire tout ou partie de ses biens, droits ou sûretés, présents ou futurs. Le fiduciaire les tient alors séparés de son patrimoine propre et va agir au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires.

Avant la réforme du 15 septembre 2021, l’évaluation des biens dans l’assiette de la fiducie était exigée, sous peine de nullité. Post réforme, cette exigence est uniquement cantonnée à l’évaluation de la créance garantie
L’évaluation dite « à dire d’expert », restera possible, mais les parties n’y sont plus liées, puisque s’il n’est pas trouvé d’acquéreur au prix fixé par expert, le fiduciaire peut vendre le bien ou le droit au prix qu’il estime, correspondre à sa valeur, et ce sous sa responsabilité.  
 
  • Le gage
 
La principale nouveauté apportée par la réforme du droit des sûretés en matière de gage est celle qui permet désormais à un droit de gage de porter sur un immeuble par destination, c’est-à-dire, les biens meubles par nature considérés comme des immeubles par la loi compte tenu de leur destination, laquelle est d’être affectée à un immeuble par nature dont ils constituent alors l’accessoire.

Le constituant d’un droit de gage de choses fongibles (qui ne peuvent pas être individualisées) avec dépossession pourra également, lors de l’entrée en vigueur des dispositions de la réforme, aliéner la chose mise en gage s’il s’engage à la remplacer par la même quantité de choses équivalentes

Pour rappel, le droit de gage constitue en la remise d’un objet ou d’une valeur en garantie de l’exécution d’une obligation. 
 
  • Réserve de propriété
 
Clause qui permet au vendeur d’un bien immobilier d’en conserver la propriété jusqu’au complet paiement du prix, la réforme du droit des sûretés fait front à la jurisprudence qui excluait jusqu’alors une telle possibilité.  L’assureur ou le sous-acquéreur appelés à verser les fonds au vendeur réservataires, peuvent désormais opposer les exceptions inhérentes à la dette ou celles nées de ses avec l’acheteur principal
 
  • Le nantissement de créance
 
Le nantissement de créance, sûreté réelle qui permet au débiteur d’une créance d’affecter un bien incorporel en garantie de sa dette, connaît quelques modifications à l’issue de la réforme. 

La charge de la preuve de la date de la l’acte de cession est désormais codifié : « En cas de contestation, la preuve de la date incombe au créancier nanti, qui peut la rapporter par tout moyen » (article 2361 du Code civil). 

D’autre part et jusqu’alors non admise, la possibilité de nantir plusieurs fois la même créance qui faisait débat tant elle entraînait l’indisponibilité de la créance par le nantissement de premier rang, sera autorisée à compter du 1er janvier 2022, et le rang des créanciers organisés par l’ordre des actes : « Lorsqu’une même créance fait l’objet de nantissements successifs, le rang des créanciers est réglé par l’ordre des actes. Le créancier premier en date dispose d’un recours contre celui auquel le débiteur aurait fait un paiement » (Article 2361-1 du même Code). 

Enfin en matière de droit, le créancier nanti bénéficie d’un droit de rétention sur la créance qui lui permet de conserver le bien nanti jusqu’au complet paiement, et le débiteur peut opposer au créancier les exceptions inhérentes à la dette, ainsi que celles nées de ses rapports avec le constituant.
 

Deux nouvelles sûretés-propriétés

  • La cession de créance à titre de garantie
 
Rejetée par les tribunaux et régulièrement requalifiée en nantissement, la cession de créance de droit commun était pourtant définie comme : « l’acte par lequel un débiteur cède et transporte à son créancier, à titre de garantie, tous ses droits sur des créances, constitue un nantissement de créance* ». 

Cette sûreté est à l’issue de la réforme codifiée par deux articles du Code civil, dont le premier (2373) la définit comme un contrat : « La propriété d’une créance peut être cédée à titre de garantie d’une obligation par l’effet d’un contrat conclu en application des articles 1321 à 1326 », et le second (2373-1) pose des principes attachés à son formalisme : « Les créances garanties et les créances cédées sont désignées dans l’acte. Si elles sont futures, l’acte doit permettre leur individualisation ou contenir des éléments permettant celle-ci tels que l’indication du débiteur, le lieu de paiement, le montant des créances ou leur évaluation et, s’il y a lieu, leur échéance ».

En pratique, de manière similaire à la cession Dailly, le propriétaire d’une créance, cède cette dernière à un créancier pour garantir une dette. À l’issue, la dette est remboursée, et le cédant récupère la pleine propriété de sa créance, sinon et à défaut de remboursement, c’est le créancier qui devient propriétaire de la créance.
 
  • La cession de somme d’argent à titre de garantie
 
Création prétorienne, la cession de somme d’argent à titre de garantie, également appelée gage-espèces, figure aux nouveaux articles 2374 et suivants du Code civil. 

Convention par laquelle une partie remet à une autre la propriété d’une somme d'argent en garantie du remboursement de sa dette, le gage-espèce est un gage par dépossession où le créancier devient propriétaire de la somme et peut, sauf clauses inverses, en disposer librement.
Si la dette n’est pas recouvrée, le créancier peut déduire le montant de celle-ci sur la créance garantie, mais si celle-ci a produit des fruits il doit cependant en restituer l’excédent.


Me Marine LE GAC
1317 NOTAIRES

*Cass. com 19/12/2006 n°05-16.395

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