Disproportion du cautionnement et devoir de mise en garde du professionnel

Disproportion du cautionnement et devoir de mise en garde du professionnel

Publié le : 03/03/2022 03 mars mars 03 2022

La matière juridique est empreinte de principes de proportionnalité et le cautionnement n’y fait pas exception, ce qui se justifie compte tenu de l’importance d’un tel acte, pour celui qui s’oblige envers le créancier, à payer la dette du débiteur défaillant.
Le principe de proportion de l’engagement de la caution et le devoir d’information du professionnel bénéficiaire de l’engagement, sont intrinsèquement liés, offrant à la caution une double protection.

Le Cabinet Gout Dias Avocats Associés revient ce mois-ci sur l’application de ces deux notions.  

Le caractère proportionné de l’engagement de la caution

« Si le cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s'engager à cette date » (Article 2300 du Code civil). Le professionnel qui fait souscrire le cautionnement doit vérifier la proportionnalité de l’engagement de la caution sous peine de réduction du cautionnement à proportion des capacités de la caution.

Quant à la caractérisation du caractère disproportionné de l’engagement d’une caution, le Code civil reste ici silencieux à ce sujet, si ce n’est l’exigence d’une solvabilité suffisante de la caution pour répondre de l’obligation (article 2301).

En effet, la disproportion de l’engagement de la caution est laissée à l’appréciation souveraine du juge, lequel a ainsi pu retenir qu’une telle appréciation devait être effectuée eu égard des éléments suivants :
 

  • Les biens et revenus déclarés par la caution au moment de son engagement (Cass. com 14/12/2010 n°09-69.807) ;
  • De la situation d’endettement de la caution au moment de la souscription de son engagement, y compris des cautionnements déjà souscrits (Cass. com 08/03/2017 n°15-20.236) ;
  • Des biens grevés de sûretés, appartenant à la caution, leur valeur étant appréciée en déduisant le montant de la dette dont le paiement est garanti par ladite sûreté, évalué au jour de l’engagement de la caution (Cass. com 24/03/2021 n°19-21.254) ;


À titre d’exemple, le cautionnement souscrit qui représente la totalité du patrimoine et trois années de revenus de la caution, est manifestement disproportionné à ses biens et revenus déclarés (Cass. civ 1ère 25/03/2020 n°19-15.163).
 

Le formalisme du devoir de mise en garde

Fixé à l’article 2299 du Code civil : « Le créancier professionnel est tenu de mettre en garde la caution personne physique lorsque l'engagement du débiteur principal est inadapté aux capacités financières de ce dernier ». Cette obligation implique que la caution soit informée de l’inadéquation de l’engagement pris par la personne qui le souscrit, le débiteur cautionné, à ses capacités, et pour laquelle elle se porte caution. Il s’agit de la première obligation de mise en garde qui pèse sur le créancier.
Par ailleurs, le créancier professionnel doit vérifier l’absence de disproportion de l’engagement de la caution au regard de son risque de surendettement et de ses capacités financières, ou bien considération exclue de ces éléments, lorsque l’opération sur laquelle porte le cautionnement était vouée à l’échec dès son origine (Cass. com 15/11/2017 n°16-16.790). 

La question se pose alors de savoir de quel pourvoir d’investigation dispose le créancier pour apprécier le caractère disproportionné. En principe, le créancier n’a pas à vérifier l’exactitude de la déclaration, sauf anomalie apparente, il peut à ce titre s’en tenir aux informations figurant sur une fiche de renseignement qu’il a fait remplir à la caution concernant ses informations financières. À charge pour la caution qui évoque le principe de disproportion, d’en apporter la preuve (Cass. com 13/03/2017 n°15-20.294). 

Étant précisé également, que ce devoir de mise en garde s’étend pendant toute la durée de l’engagement, puisque le créancier et tenu d’informer la caution de manière annuelle, du montant du principal de la dette, des intérêts et autres accessoires restant dus (article 2302 du Code civil), sous peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus depuis la date de la précédente information et jusqu'à celle de la communication de la nouvelle information.

La réforme du droit des sûretés entrée en vigueur en janvier 2022 à l’issue d’e l’ordonnance du 15 septembre 2021, a par ailleurs renforcé le formalisme attaché l’engagement de la caution, cette dernière devant, sous peine de nullité de son engagement, apposer elle-même « la mention qu'elle s'engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d'un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres ».

À noter également que là où la rédaction antérieure à la réforme des sûretés, faisait apparaître une distinction entre les notions de caution avertie et de caution non avertie, permettant au créancier de se dégager de son obligation de mise en garde, cette distinction n’est plus d’actualité laissant supposer que profanes comme averties, les cautions peuvent bénéficier de l’obligation de mise en garde.
 

Sanctions et limite du défaut de mise en garde

Le manquement du créancier à son obligation de mise en gare du caractère disproportionné de l’engagement de la caution lui fait perdre son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par cette dernière.

Toutefois, il convient d’observer l’existence de limites au devoir de mise en garde du créancier professionnel, notamment en cas de faute volontaire de la caution, lorsque celle-ci a notamment dissimulé la situation réelle de sa situation financière (Cass. civ 1ère 30/10/2007 n°06-17.003).

Récemment, la Cour de cassation s’est prononcée également concernant le point de départ du délai de prescription de l’action pour violation du devoir de mise en garde, lequel se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement (Cass. civ 1ère 05/01/2022 n°20-17.325).


GOUT DIAS Avocats Associés
 

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