SOCIAL – Licenciement discriminatoire ou manquement au devoir de réserve du salarié d’une mission locale ?
Publié le :
21/10/2022
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Cass. soc 19 octobre 2022 n°21-12.370
Garantie au titre des libertés fondamentales, chaque salarié jouit de sa liberté d’expression au sein et à l’extérieur de l’entreprise, ce qui lui permet d’exprimer ses opinions.
Cette liberté, et notamment lorsqu’elle est exercée par le biais des réseaux sociaux, n’est pas sans limites. La Cour de cassation illustre une nouvelle fois le fait qu’un abus de la liberté d’expression constitue une cause de licenciement.
Dans l’affaire en question, un salarié engagé par une association de mission locale comme conseiller en insertion sociale et professionnelle auprès d’un public de jeunes en difficulté, afin de leur proposer un accompagnement individualisé et personnalisé leur permettant de s'inscrire dans un parcours d'insertion professionnelle, est licencié pour faute grave.
L’association qui l’emploi, reproche au salarié un abus de sa liberté d’expression, mise en évidence par des « manifestations politiques et religieuses qui débordent, d'une part de [sa] vie personnelle et, d'autre part, qui comportent des excès remettant en cause la loyauté minimale requise par la qualité juridique de [sa] mission de service public », puisque l’employeur estime que de par son poste, le salarié est tenu à une obligation de neutralité impliquant un devoir de réserve et de respect de la laïcité.
Cette décision est notamment fondée par le constat fait par l’employeur de l’utilisation des réseaux sociaux par le salarié, lequel avait notamment publié du contenu où il critiquait l'action du gouvernement et les emblèmes de la République comme le drapeau, en plus de s’être adonné à du prosélytisme religieux agressif.
En appel, le licenciement est jugé discriminatoire pour avoir été pris en considération des opinions politiques et des convictions religieuses du salarié. La mesure disciplinaire est déclarée nulle, et la réintégration du salarié est ordonnée.
Cette décision est annulée par la Cour de cassation, qui après avoir rappelé que le principe de laïcité et de neutralité du service public s’appliquait à l'ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé, juge que les missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes constituées sous forme d'association sont des personnes de droit privé gérant un service public.
Par conséquent, « le salarié de droit privé employé par une mission locale pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes, constituée sous forme d'association, est soumis aux principes de laïcité et de neutralité du service public et dès lors à une obligation de réserve en dehors de l'exercice de ses fonctions ».
Et la où la juridiction de second degré retient que « la laïcité ne s'impose pas aux citoyens dans l'espace public en dehors du service public, puisqu'au contraire la laïcité garantit à chacun l'exercice public de sa foi », la Haute juridiction décide qu’une telle décision est dépourvue de base légale puisqu’il devait être recherché si la consultation du compte Facebook du salarié permettait son identification en qualité de conseiller d'insertion sociale et professionnelle, et ce notamment par les jeunes en difficulté auprès desquels le salarié exerçait ses fonctions.
Par ailleurs, eu égard de la virulence des propos litigieux ainsi que de la publicité qui leur était donnée, la juridiction aurait dû vérifier si lesdits propos étaient susceptibles de caractériser un manquement à l'obligation de réserve du salarié en dehors de l'exercice de ses fonctions, pour voir si son licenciement était justifié par une exigence professionnelle essentielle et déterminante, tenant au manquement à son obligation de réserve.
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