Protection des salariés dénonçant un harcèlement moral : revirement de jurisprudence
Publié le :
11/05/2023
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Par un arrêt de principe rendu le 13 septembre 2017 (n°15-23.045), la Cour de cassation considère qu’en matière de dénonciation de faits de harcèlement moral, le salarié est tenu de qualifier les faits qu’il dénonce, afin de pouvoir bénéficier de la protection contre son licenciement.
Pourtant, par une décision du 19 avril 2023, la Haute juridiction vient de faire volte-face et abandonne l’impératif de qualification des faits par le salarié, du moment que la dénonciation d’une situation de harcèlement moral apparaît évidente pour les parties.
Dans l’affaire qui a été portée devant la Cour de cassation, une salariée licenciée pour faute grave, soutenait avoir subi et dénoncé des agissements de harcèlement moral, et avait alors saisi la juridiction prud’homale de demandes tendant notamment à la nullité de son licenciement et au paiement de diverses sommes au titre du harcèlement moral, de la violation de l’obligation de sécurité et de la rupture du contrat de travail.
La juridiction de second degré juge le licenciement nul, mais l’employeur se pourvoi en cassation, reprochant à la salariée de ne pas avoir, par sa lettre dans laquelle elle prétendait dénoncer les faits, qualifié un comportement propre à caractériser une situation de harcèlement moral, en illustrant simplement son courrier de plusieurs exemples qui ont entraîné selon elle, une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé. L’employeur rappelant également, que dans la lettre de licenciement, il n’est pas reproché à la salariée d’avoir dénoncé des faits de harcèlement moral, mais le fait d’avoir adressé, à sa direction, un courrier où elle avait « gravement mis en cause l’attitude et les décisions prises par le directeur » tant à égard que s’agissant du fonctionnement de la structure, en plus d’avoir également porté des attaques graves à l’encontre de plusieurs collègues, quant à leur comportement, leur travail, mais encore à l’encontre de la gouvernance de l’Association qui l’employait.
À la question implicite posée à la Haute de juridiction de savoir si l’absence de la formulation « harcèlement moral », tant concernant la dénonciation des faits par le salarié, que le motif contenu dans la lettre de licenciement, empêche le salarié de bénéficier de la protection contre le licenciement, la chambre sociale répond par la négative.
En effet, la Cour de cassation rappelle dans un premier temps les dispositions qui protègent le salarié de tout licenciement pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés, ainsi que sa jurisprudence antérieure confirmant cette protection, sauf mauvaise foi du salarié, quant au fait que le grief énoncé dans la lettre de licenciement tiré de la relation par le salarié de faits de harcèlement moral emporte à lui seul la nullité du licenciement (Cass. soc., 07/02/2012, n°10-18.035, et Cass. soc., 10/06/2015, n°13-25.554), ou lorsque le salarié lui-même qualifie les faits d’agissements de harcèlement moral (Cass. soc., 13/09/2017, n°15-23.045), et que tout motif de licenciement lié à l’exercice non abusif par le salarié de sa liberté d’expression est nul (Cass. soc., 16/02/2022, n°19-17.871).
Modifiant sa jurisprudence, la Haute juridiction énonce qu’ « il y a lieu désormais de juger que le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, peu important qu’il n’ait pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce ».
Effectuant une application immédiate de ce principe, la Cour considère en l’espèce qu’étant donné le contenu du courrier de la salariée, « l’employeur ne pouvait légitimement ignorer que, par cette lettre, la salariée dénonçait des faits de harcèlement moral ».
Ainsi, la qualification des faits de harcèlement moral ne constitue plus un impératif au bénéfice de la protection contre le licenciement pour le salarié qui dénonce les faits, sauf mauvaise fois, il appartient par conséquent à l’employeur de tirer les conséquences des faits avancés par le salarié.
GOUT DIAS Avocats Associés
Référence de l’arrêt : Cass. soc., 19 avril 2023, n°21-21.053
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